The Savage Resurrection
(lire une entrevue exclusive)
 

The Savage Resurrection

The Savage Resurrection (1968)

1. Thing in "E"
2. Every Little Song
3. Talking to You
4. Tahitian Melody
5. Jammin'
6. Fox Is Sick
7. Someones's Changing
8. Remlap's Cave, Pt. 2
9. Appeal To The Happy
10. Expectations

The Savage Resurrection : Le retour ?

Bill Harper : chant
Randy Hammon : guitare
John Palmer : guitare
Steve Lage : basse
Jeff Myer : batterie

 

Ils n’ont enregistré qu’un seul album en 1968. Une bombe de heavy psyché qui n’a connu qu’un succès relatif en cette époque si florissante sur le plan musical qu’inévitablement, aussi géniaux qu’ils aient pu être, moult groupes sont passés entre les mailles d’une reconnaissance immédiate.

Fort heureusement, grâce à Internet et aux nombreux blogspots tenus par des dingues de musique, The Savage Resurrection goûte aujourd’hui à une notoriété tardive. Leur album étant proposé en téléchargement libre un peu partout sur la toile, nombre de passionnés de rock des années 60 le découvrent maintenant. Il est ainsi passé du statut de galette poussiéreuse oubliée à celui de disque culte qu’on s’arrache sur eBay à des prix astronomiques.

Les membres de Savage Resurrection ont eu la gentillesse de m'accorder une entrevue exclusive. Que voici :

Comment était le monde musical de la fin des années 60 ?

Randy : Le monde de la musique avait explosé, et vibrait d’une façon incroyable. Il y avait littéralement des groupes partout. Il est très dur d’imaginer ce que c’était, sans y avoir participé à l’époque. C’était aussi tellement innocent, avec l’idéalisme de la jeunesse. Écoutez la musique, elle parle toute seule. Malheureusement, comme la musique et la scène musicale se mélangeaient à toutes les drogues, à la fin des années 60, cette innocence avait quasiment disparu.

Jeff : C’était une époque spéciale. Je faisais de la musique par amour pour cet art, et je me foutais de l’argent. J’avais la chance d’être musicien, et de pouvoir en faire mon métier pendant 25 ans. Mais il faut de l’argent pour survivre, comme vous le savez. Il y avait une camaraderie entre musiciens, qui existe toujours. Certaines personnes sont jalouses du succès des autres. Les choses étaient moins tendues à cette époque, moins crispées, et bien sûr, il y avait les drogues et tout ça.

Les musiciens étaient-ils amis ou rivaux ?

Randy : Les deux à la fois. Même dans notre groupe, Jon et moi étions proches comme des frères, et constamment en compétition avec les autres, comme des rivaux. Cette tension, de toute façon, contribuait directement à la dynamique de notre son (duquel vous entendez seulement une partie édulcorée, sur l’album). Au sujet de la scène musicale de Richmond, je me souviens de rivalités explosives avec les autres groupes locaux, mais aussi d’une fascination mutuelle, du respect et de l’amitié. Il est toutefois important de noter qu’à Richmond, nous étions tous des gamins, presque des ados, plein d’hormones, de drogues et de rock and roll.

Aujourd’hui, on idéalise les années 60, le mouvement peace and love, les drogues. Était-ce vraiment chouette d’être musicien à l’époque ?

Jeff : Oui, c’était une grande époque pour les musiciens, probablement parce que nous étions tellement respectés alors. Il y avait des tonnes de concerts gratuits, c’est comme ça que le Dead et beaucoup d’autres groupes se sont fait connaître. Des milliers de gens allaient à tous ces shows, ils payaient parfois 3 à 6 $ pour voir trois grands concerts au Fillmore ou à l’Avalon Ballroom. Les groupes avaient la possibilité de rassembler les gens pour des causes politiques. Faire cesser la guerre du Vietnam, conscientiser sur les problèmes écologiques par exemple. Et quand vous étiez musiciens, vous aviez plus facilement accès aux drogues. Et au sexe, seulement si vous le vouliez, bien sûr.

Randy : Nous étions en présence d’une musique nouvelle, d’idées nouvelles, c’était une vraie renaissance, tant humaine que musicale, et il est dur d’imaginer que cela puisse se reproduire un jour. D’un autre coté, je trouvais que c’était vraiment trop, et je me suis trouvé carbonisé par l’intensité, relativement rapidement.

Comment le groupe s’est-il formé ? Vous connaissiez-vous depuis votre enfance ou vous êtes-vous rencontrés plus tard ?

Savage Resurrection : Nous vivions tous dans la Baie de L’Est, près du pont de San Francisco. En 1964, alors qu’il avait 13 ans, Randy Hammon faisait partie des Clouds, le premier groupe d’El Sobrante. Par la suite, il a rejoint The Boys, band dans lequel John Palmer jouait lui aussi.

The Boys reprenaient le répertoire des meilleurs groupes anglais : les Kinks, les Animals, les Stones et les Troggs, mais également celui de formations américaines comme les Turtles et Beau Brummels. Ils ont participé à la Battle of The Bands, au Cow Palace de San Francisco.

Bill Harper, Steve Lage et Jeff Myer étaient membres des Ravens. Ils venaient aussi de la Baie de l’Est. Ils ont choisi de s’appeler Whatever’s Right vers 1965. Le groupe reprenait entre autres des chansons des Stones, des Byrds et beaucoup de surf music.

Vers la fin de 1966, Randy et deux autres membres sont allés rejoindre Whatever’s Right. Tous se fondirent dans Button Willow. John Palmer s’est ajouté à eux. Leur répertoire comprenait des originaux, composés par Bill, John et Randy. En 1967, le groupe s’est finalement appelé Savage Resurrection et se composait de Bill, Randy, John, Steve et Jeff.

Comment avez-vous enregistré votre unique album ?

Randy : Thing in E a été enregistré sous forme de démo, avec Jammin, à Sunset Studios sur Sunset Boulevard, pendant l’été 1967. La version de Thing In E a été utilisée pour l’album, Jammin a été réenregistrée, avec les autres morceaux, à Amigo Studios, Hollywood Nord, en une semaine de précipitation.

Jeff : Oui, c’était Amigo (Sound). On nous avait seulement accordé une semaine d’enregistrement. Le producteur était Abe « Voco » Kesh, DJ sur KSAN, une radio très populaire de San Francisco. KSAN était une des premières stations de radio à passer autre chose que les hits du Top 40. Ils passaient des extraits d’albums que ne diffusaient pas les autres radios, des chansons de 6, 8 ou 10 minutes. Les radios Top 40 passaient seulement des chansons de 3 ou 4 minutes. Le visage de la radio avait changé, pour un temps. De toute façon, on semble revenu à l’ère du top 40.

Pourquoi n’avez-vous enregistré qu’un seul album ?

Le groupe s’est séparé. Dans le style classique d’un groupe punk, le groupe s’est séparé quand le succès était en vue.

Pensez vous que vous auriez pu faire l’album sans drogue (si vous en preniez) ?

Jeff : Je suis certain que les drogues influençaient la musique de beaucoup de gens. Mais de toute façon, il y avait du talent et de la créativité, avec ou sans drogues. Les drogues étaient une partie de la culture et de la rébellion pour les jeunes de l’époque. Elles ont pu avoir une influence sur beaucoup de bonne musique, celle de Jimi Hendrix par exemple. Mais elles sont aussi responsables de la chute de pas mal d’excellents artistes, comme Janis Joplin.

Bill : Pas de drogues.

Randy : Je ne prenais rien en faisant l’album, je pense que ça gène mon jeu, et que j’aurais mieux sonné si j’avais attendu pour partir, après l’enregistrement. Mais bon, vivez et apprenez.

Avez-vous du matériel inédit enregistré dans les années 60? Si oui, pourrons-nous l’entendre un jour ?

Jeff : Si Savage Resurrection a du matériel inédit, ce sont des répétitions, et j’ignore où elles sont.

Bill : Peut être.

Randy : On n’en connaît aucune, mais nous avons certainement dû être enregistrés en concert. Il est possible qu’il y ait quelque chose quelque part. Nous avons aussi fait quelques enregistrements en parallèle, pendant les sessions de l’album, que je trouvais incroyables. Malheureusement, je n’ai aucune idée ce qui leur est arrivé. Nous soupçonnons Voco de les avoir gardés, donc peut être qu’un de ses enfants les possède. Je suppose que la raison principale qui les a empêché de sortir est que nous avons fait deux bœufs incroyables avec un guitariste très connu, et que Jon et moi l’avons ridiculisé. Je pense qu’ils sont restés inédits pour ne pas embarrasser ce mec, dans la mesure où Vocco ou Mercury étaient en relation avec lui.

Savez-vous que votre album est devenu culte pour beaucoup de gamins, qui ont découvert votre musique à travers Internet ? Que pensez vous du téléchargement illégal ?

Randy : J’ai découvert ça il y a 8 ans, par accident, alors que je m’ennuyais au bureau. J’ai tapé mon nom, puis Savage Resurrection sur Google. Putain de merde ! Je pensais que notre musique était morte et enterrée sous trente ans de sable. Quel choc ça a été. J’ai immédiatement pris contact avec les potes du groupe, et j’ai découvert que tout le monde était dans le coin, en bon état.

J’aime ça ! C’est un bon antidote au poison de la cupidité de l’industrie musicale, qui vend et laisse la musique et l’art sans vie, encule les musiciens, sans les rémunérer correctement. Juste retour des choses. Et j’aime le fait qu’ils se focalisent sur la musique, et l’écoutent.

Par contre, j’ai un vrai problème avec les pirates, qui font de l’argent en volant la musique des autres pour la revendre. Pour moi c’est vraiment du vol, et je trouve ça encore plus cynique que l’industrie du disque, dans la mesure où ces gens sont conscients de ce qu’ils font, mais se foutent pas mal d’arnaquer les musiciens.

Savez vous que nombre de mélomanes cherchent à se procurer votre vinyle original, qui se vend à des prix démentiels ?

Jeff : Je suis au courant de ça, c’est pour cette raison qu’on a sorti le CD sur Mod Lang, parce qu’il y avait une demande.

Bill : Bien.

Randy : Longue vie au vinyle. Et longue vie aux DJ’s qui l’ont conservé vivant. Les CD sont morts (vraiment) mais les vinyles survivent. Qui l’aurait prédit ?

Que pensez vous de la musique d’aujourd’hui ? Qu’aimez vous écouter de nos jours ?

Jeff : Je pense qu’en grande partie, la musique d’aujourd’hui est de la merde, mais bien sûr, comme toujours, il y a aussi un paquet de bons musiciens. J’écoute Peter Gabriel, Stevie Winwood (j’aime tout dans sa musique, même ses trucs récents) Eric Clapton, Tom Petty. Je sais qu’il y a des mecs, ici et là, qui jouent de la guitare et dont la musique est bonne, mais je ne connais même pas leurs noms.

Bill : Plein de bons trucs, à n’importe quel moment.

Randy : J’aime la musique actuelle, presque dans son intégralité. Je suis vraiment fatigué du trip hop (j’en écoutais avant son explosion) depuis qu’il a attrapé le même cancer que les autres genres, après sa commercialisation massive, et je n’aime vraiment pas la violence. Mais il y a toujours quelque chose qui fleurit et qui brille dans ce genre musical.

Bien que je considère Eddie Van Halen comme un dieu, et le Pagannini de la fin du vingtième siècle, je suis content que les guitaristes soient revenus à un son de guitare basique, à travers un ampli sursaturé, sans les fanfreluches, à moins que ça ne serve la chanson, et exploitent à nouveau la magie harmonie/rythmique de la guitare. Je dois confesser, cependant, que dans la musique récente, je suis insatiable de techno, funk, électro, spécialement dans un club, aux mains d’un maître DJ. Longue vie aux DJ’s.

Allez-vous vous reformer ? Quels sont vos projets ? Un nouvel album ? Des concerts ? Savage Resurrection est-il vraiment de retour ? Nous le souhaitons !

Jeff : Je pense que si notre musique éveille assez d’intérêt, je ferais tout ce qui est cité plus haut : tournées, concerts, etc. Nous avons répété, et même composé quelques nouveaux trucs.

Bill : Nous aimons jouer ensemble.

Randy : Jamais ! Oh, vous voulez dire le groupe. Oui, oui, quand nous atteindrons le stade où nous voudrons nous entendre. Il n’y a rien de plus pathétique que les vieux groupes sans le feu au ventre (par exemple les Moody Blues), et il n’y a rien de plus cool que les maîtres rockers, qui peuvent éjecter les jeunots de la scène.

Quels sont vos plans ?

Randy : Trois choses. La première : faire uniquement ce que nous aimons jouer. La seconde : nous trouver une âme musicale en tant que groupe, qu’il y ait quelque chose à offrir, et que nous ayons envie de l’entendre. Troisièmement, verser cette âme dans de grandes chansons.

Entrevue réalisée par Béatrice